vendredi 11 juillet 2014

"Débutez par où vous souhaiteriez poursuivre", par C.J. Daugherty [26.08.2013]

Le meilleur conseil que j'ai entendu au sujet des premières lignes d'un manuscrit venait d'un très célèbre agent littéraire à Londres. Selon lui "Tous les livres devraient commencer au milieu de quelque chose."

Il avait absolument raison.

Quand vous ouvrez un livre vous devriez ressentir la même chose que si vous veniez de pénétrer dans une pièce déjà pleine de monde, en plein milieu d'une conversation, d'une discussion, d'une bataille - ce qu'ils font à ce moment précis n'a pas vraiment d'importance. Ce qui importe, c'est que l'action est déjà en marche.

En tant que lecteur, vous êtes instantanément pris dedans.

Mon livre, Night School, débute en plein milieu d'une scène de crime. Deux adolescents sont en train de vandaliser leur école, taguant des obscénités sur la porte du bureau de leur proviseur. 

Nous rejoignons l'histoire quelques secondes avant que la police n'arrive.

"Dépêche-toi" est la première ligne.

J'en suis arrivée là en écrivant tous les détails de la scène que j'avais en tête - qui étaient ces enfants, comment ils avaient pénétré dans l'école, où se trouvait cette école - et ensuite coupant toutes ces parties. Je l'ai démontée jusqu'à ce que je n'en sois réduite qu'à ces deux mots : "Dépêche-toi !"

Le lecteur n'avait pas besoin de connaître tous ces autres détails à cet instant. Tout ce qu'ils devaient savoir était qu'un crime était en train d'être commis. Et que quelqu'un était sur le point de se faire prendre. 

Le reste peut être distillé avec le temps. Vous disposez de 400 pages pour le faire et en jouer. Vous ne devez pas vous sentir forcé de balancer toutes les infos à vos lecteurs dès les premiers paragraphes. Vous devez juste ajuster la scène, la trame de fond. Mon livre est un thriller romantique. Il commence avec un crime, une scène de poursuite et une arrestation. 

Débutez de la façon dont vous souhaiteriez poursuivre.

Une de mes premières phrases préférées est extraite de La Cité des Ténèbres, de Cassandra Clare.

"- Tu plaisantes ! dit le videur en croisant les bras sur son torse massif."

Ça c'est une première ligne selon moi : en plein milieu de l'action. La présence d'un videur nous indique où nous nous situons - dans un club ou un bar. Nous nous rendons vite compte que nous attendons dans la file à l'entrée d'une boîte de nuit bondée à Manhattan, où l'enfer est sur le point de s'abattre sur le personnage principal Clary Fray. 

Génial.

La première ligne de Fille de Chimères, de Laini Taylor, est lourde de sous-entendus :

"En se dirigeant vers son école, marchant sur les pavés couverts de neige qui assourdissait le bruit de ses pas, Karou n'avait aucun mauvais pressentiment concernant cette journée."

C'est un début gracieux. Cobbles équivaut à l'Europe, nous partons donc du principe que nous sommes à l'étranger. La neige signifie l'hiver. Elle se rendait à l'école donc nous avons une vague idée de son âge. Et quel merveilleux usage des mots "mauvais pressentiment". Dire qu'elle n'en avait aucun suggère absolument tout le contraire. Quelle embuscade.

Un de mes livres favoris est Le Maître des illusions, de Donna Tartt. Si je pouvais, je voudrais vivre dans ce livre. Et la première ligne pose les bases du sujet de façon superbe : 

"La neige fondait dans la montagne et Bunny était mort depuis plusieurs semaines quand nous avons fini par comprendre la gravité de notre situation."

Vous n'avez pas besoin de savoir qui est Bunny, ou à quelles montagnes il est fait référence, ni à quelle situation. Le sentiment de crainte est là. Et vous êtes prêt à en lire plus. 

Comme je l'ai dit : Débutez comme vous souhaiteriez poursuivre. 

[Article en VO ici
Traduction Night School France]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire