vendredi 11 juillet 2014

Night School Prequel : Le Jour où les lumières s'éteignirent

« Qu'est ce qui cloche ? Tout me paraît normal. »
Isabelle le Fanult observait l'écran d'ordinateur, se penchant en avant pour mieux voir l'appareil. Les couleurs étaient brillantes, et le logo de l'école ressortait parfaitement comme il le devait.
« Regardez-y de plus près. » Raj Patel cliqua sur la souris une nouvelle fois et désigna l'écran. « Là. Avez-vous vu ça ? »
Une page web se fondait sur une autre. Isabelle ne voyait rien d'étrange. Exaspérée, elle leva les mains.
« Ça ralentit, » dit Raj, pointant vers l'écran. « Juste ici. Il y a un léger flottement lorsque vous cliquez sur un  lien. Comme s'il effectuait une action qu'il ne devrait pas. »
Inclinant la tête d'un côté, Isabelle retint son souffle. « Ok... donc ça ralentit. Pourquoi me dites-vous cela ? »
La fille assise devant l'ordinateur aux côtés de Raj se pencha vers eux. Les lumières se
reflétèrent sur ses lunettes et firent briller sa peau mate.
« Parce que, » dit-elle « cela ne devrait pas ralentir. Et tous les ordinateurs de l'école font exactement la même chose. Cela a commencé la nuit dernière et nous ne pouvons pas en déterminer l'origine. »
Son accent américain était plat et sérieux. Elle ne trahissait aucune excitation mais Isabelle pouvait entrevoir sa nervosité dans la suite de brefs et rapides mouvements qu'elle effectuait en tapant des séries de codes complexes sur l'ordinateur. Ses mâchoires étaient closes et ses yeux parcouraient l'écran, cherchant un quelconque indice.
Isabelle lança un regard en direction de Raj et celui-ci haussa les épaules.
« Dom l'a découvert en premier, » dit-il, d'un air légèrement embarrassé. « Elle a travaillé dessus toute la journée. »
« Vous l'auriez remarqué à un moment ou à un autre, » dit Dom, sans lever les yeux de l'écran.
Raj était responsable de la sécurité mais dernièrement, Dom l'aidait avec tout ce qui était en rapport avec la technologie. Elle n'avait que quinze ans mais c'était un génie. Tout le monde à l'école était impressionné par elle et la trouvait un peu effrayante. Lorsqu'il était question d'ordinateurs, il n'y avait presque rien que Dom ne pouvait résoudre.
La proviseur passa une main lasse dans ses cheveux blonds foncés. Il était tard dans l'après-midi et des mèches rebelles commençaient à s'échapper des attaches qui les tenaient en place.
« Les ordinateurs sont reliés en réseau, » dit-elle d'un air dubitatif. « Ne sont-ils pas supposés agir de la même manière ? »
Dom leva les yeux au ciel mais ne dit rien. Isabelle avait la sensation qu'elle se
retenait.
Raj garda un ton patient. « Ils ne sont pas supposer buguer ? du tout, Izzy. Ils sont censés fonctionner normalement et ils le font presque. Mais quelque chose a été modifié dans les dernières vingt-quatre heures. Je pense qu'on a été hackés. Par quelqu'un qui est très, très bon en la matière. »
« Je..., » murmura Dom « Je n'arrive juste pas à décrypter le code. »
Isabelle dirigea son regard acéré vers l'ordinateur à nouveau. Il se tenait en face d'elle, bourdonnant normalement, une page web emplissant son écran de ses couleurs primaires.
« Mais vous n'avez pas pu trouver une quelconque preuve d'un hacking autre que
celle-ci ? »
Raj hocha la tête. « Qui que ce soit qui ait fait cela, il est brillant. Nous essayons de comprendre leurs motivations. »
Pour la première fois depuis le début de leur conversation, un frissonnement nerveux couru le long de la colonne vertébrale d'Isabelle.
Cimmeria était la maison des enfants des familles composant l'élite de ce pays. Il s'agissait de la progéniture de milliardaires, de premiers ministres et de princes. Ils devaient demeurer en sécurité. Tous étaient potentiellement la cible d'un kidnapping ou d'une demande de rançon. Chacun d'entre eux représentait une fortune aux yeux des mauvaises personnes.
Raj était l'un des meilleurs chefs de la sécurité du pays – en plus de protéger Cimmeria, il dirigeait une société de sécurité privée qui comptait le premier ministre parmi ses clients. Sur ses conseils, ils avaient déjà accru leur système de vidéosurveillance, agrandi les portails électroniques et remplacé les serrures de l'école par un arsenal digne d'une œuvre d'art.
Cimmeria ressemblait peut-être à une école, mais il s'agissait en réalité d'une forteresse.
Ils étaient en sécurité ici. Isabelle en était certaine.
Réajustant son châle en cachemire noire, elle se tourna vers la porte de la salle des ordinateurs, marquant la fin de leur discussion.
« Merci de m'avoir tenue informée. Revenez vers moi si vous trouvez quelque chose de plus concret, Raj. »
Cependant, la voix de ce dernier la suivit jusque dans le couloir.
« Je n'aime pas ça, Izzy, » lui adressa-t-il. « Cela pourrait être mauvais. »
Elle ne se retourna pas. Ayant dépensé une fortune dans les autres améliorations de sécurité, elle n'allait pas remplacer tous les ordinateurs de l'école juste parce que Raj était nerveux. Ce n'était probablement que des enfants. Tous les enfants étaient doués en ce qui concernait les ordinateurs de nos jours. Regardez Dom.
Malgré tout, les doutes de Raj lui donnaient matière à réflexion. Alors qu'elle se dirigeait depuis l'aile des salles de classe vers le bâtiment principal, Isabelle remarqua à peine les statues de marbres alignées autour d'elle. Les panneaux de bois de chêne tapissant les murs de l'école avaient été polis jusqu'à les faire briller, et au-dessus de sa tête, des lustres en cristal scintillaient tels des diamants. Elle était cependant trop perdue dans ses pensées pour les remarquer. Elle était la proviseur depuis presque un an. Raj l'épaulait depuis tout ce temps.
C'était la première fois dont elle puisse se rappeler qu'il lui apparaissait si nerveux.
Elle se repassa les paroles de Dom dans sa mémoire, essayant de décider combien elle devait s'en alerter.
En vérité, ils étaient tous un peu paranoïaques ces temps-ci. La faute revenait à une satanée lettre.
Il s'agissait d'un avertissement, sans équivoque. « Ce que tu as devrait être mien... Si tu ne me rends pas mon héritage je le reprendrai moi-même, Isabelle. Une pierre après l'autre si c'est nécessaire... Tu sais que j'en suis capable... »
Elle se pinça les lèvres au souvenir de ces mots, rédigés de l'écriture si familière deson demi-frère.
Nathaniel avait très mal pris l'annonce de sa promotion en tant que proviseur. Il avait menacé Lucinda et insulté la Commission. Il était instable et avait l'esprit de vengeance – ils devaient être prudents. Mais cela n'était certainement que de l'esbroufe. Il avait sûrement du passer à autre chose depuis. Il n'avait jamais rien fait de violent auparavant.
Et malgré tout.
Le ton de la lettre était différent. Il était incroyablement froid. Il avait également volé les documents de Lucinda et avait disparu.
Et s'il avait planifié tout cela depuis longtemps ?
Isabelle secoua la tête afin de chasser cette pensée. Un petit ralentissement dans la réponse d'un ordinateur semblait n'être qu'un problème mineur. Le personnel technique pourrait s'en occuper. Dom réparerait ça.
Ils ne pouvaient tout simplement pas se permettre de paniquer à chaque fois que quelque chose semblait clocher.
« J'arrive ! » Un garçon aux cheveux sombres la dépassa en trombe, son pull-over bleu marine remonté par la rapidité de ses déplacements.
« Carter. Un moment, s'il te plait. » Isabelle ne haussa pas le ton, mais son accent d'autorité était bien perceptible.
Glissant pour s'arrêter, le garçon se retourna. De grands yeux bruns se relevèrent par dessous ses sourcils. Une mèche de cheveux bruns atterrit sur ses sourcils. Son nez était écorché et elle se demanda s'il avait été impliqué dans une autre bagarre. Il ne lui avouerait jamais, même si elle demandait.
Un élan de protection s'empara d'elle et elle du réprimer son envie de l'enlacer. Elle tenait autant à lui que s'il était son propre enfant. Elle avait aidé à l'élever après que ses parents soient morts il y a sept ans. Mais il avait aujourd'hui douze ans, et devait prendre conscience que les règles de l'école s'appliquaient également à lui.
« On ne court pas dans les couloirs. Tu es au courant. » Elle regarda sa montre. « Qu'est ce que tu fais ici ? Ne devrais-tu pas être en cours de maths ? »
Carter cilla d'un air coupable. « C'est pour cette raison que je courais. Je suis en retard. Bankston va me tuer. »
Malgré elle, les lèvres d'Isabelle esquissèrent un sourire. Il était impossible de discipliner un enfant avec de tels yeux.
« Dirige-toi directement vers ta classe à une vitesse raisonnable, » dit-elle. « Dis à M. Bankston que tu as ma permission d'être en retard pour cette fois. »
Il se retourna et se rua au loin.
La proviseur haussa la voix, « Mais que cela ne se reproduise pas. Et j'ai dit une vitesse raisonnable. »
Au bout du hall, Carter sautilla alors qu'il tentait de se forcer à ralentir.
Elle réprima un autre sourire. Il avait grandit d'une traite récemment – d'une façon si soudaine, il était presque aussi grand qu'elle. Les filles commençaient à le remarquer. Les choses allaient bientôt changer pour Carter – elle espérait qu'il serait près pour ça. Après tout, il avait du faire face à... Le téléphone dans sa poche sonna et elle répondit brusquement. « Isabelle. »
C'était l'un des agents de sécurité. « Quelque chose ne va pas. La grille n'arrête pas de s'ouvrir et de se refermer toute seule. On ne semble pas pouvoir la contrôler. »
« Oh, bien. » Isabelle pinça l'arête de son nez entre son pouce et son majeur. Sa journée continuait à empirer. « Les ordinateurs dysfonctionnent également. Laissons le technicien de Raj y jeter un œil – peut-être y a-t-il un souci dans la connexion réseau. »
« Je vais l'appeler, » dit l'agent. « Mais ça ne ressemble pas à un problème de connexion pour moi. »
Isabelle cessa de marcher. « Qu'est ce que vous voulez dire ? »
« Je ne sais pas exactement, » dit l'agent. « C'est juste que... elle ne s'ouvre et ne se referme pas au hasard. Elle se met en marche de façon intelligente. Si vous essayez de vous en saisir, elle se referme. Vous vous
retournez et elle se rouvre. C'est comme si elle pouvait nous voir. Je pense que quelqu'un en a le contrôle depuis l'extérieur de l'école. »
Le cœur d'Isabelle fit un bond.
« Comment pourraient-ils faire cela ? » demanda-t-elle. « C'est un portail. »
« Oui, c'est un portail. Mais c'est un portail électrique connecté à l'ordinateur central de l'école... »
Une affreuse sensation d'impuissance parcouru le corps d'Isabelle. Si quelqu'un avait hacké les ordinateurs, pouvait-il aussi entrer dans leur système de surveillance ?
« Je n'aime pas ça... » étaient les mots de Raj.
Elle se retourna en direction de la salle des ordinateurs et s'élança en courant. « Appelez Raj sur son portable. Dites-lui que je suis en chemin pour le rejoindre. »
Dans le grand couloir vide, ses pas résonnaient de façon étrange. Autour d'elle, des peintures à l'huile de femmes de la royauté couvertes de soieries et de perles, ainsi que des hommes barbus dans des costumes rigides caractéristiques du XIXe siècle, l'observaient d'un air désapprobateur alors qu'elle s'élançait à travers l'aile des salles de classe.
Elle y était presque lorsque les lumières s'éteignirent.

***

Depuis les salles de classe toutautour d'elle, elle entendit des hoquets de surprise alors que les plafonniers et les ordinateurs se coupèrent. C'était un jour de beau temps, elle pouvait donc ainsi toujours voir vers où elle se dirigeait, mais elle ralentit tout de même – ses côtes semblaient compresser ses poumons et elle ne parvenait plus qu'à prendre de courtes inspirations.
Ceci n'était pas une coïncidence.
« Tout le monde reste à sa place... » Les voix autoritaires des professeurs s'échappaient derrière les portes fermées, et l'aidaient à rester concentrée.
Une porte alentour s'ouvrit et Jerry Cole en émergea en sa direction, clignant des yeux derrière ses lunettes. « Isabelle ? Qu'est ce qui se passe ? »
Elle se força à garder un ton naturel et contrôlé alors qu'elle s'adressait au professeur de sciences. « Gardez les enfants dans les salles de classe, voulez-vous bien ? Et demandez aux autres professeurs d'en faire de même. Je vais voir Raj – comprendre ce qui se passe. »
Elle aperçu un air préoccupé sur son visage.
« Raj... ? »
Elle ne prit pas le temps d'expliquer pourquoi elle allait retrouver le consultant en matière de sécurité pour une panne de courant. Ce n'était pas le moment.
Dans la salle informatique à présent obscure, et emplie d'écrans noirs, Raj était au téléphone, aboyant une flopée d'ordres sans discontinuer. Près de lui, Dom tapait frénétiquement sur son clavier. Alimenté par batterie, c'était l'unique ordinateur encore en fonction.
« Pistez-le à travers les sites externes... » disait Raj. « Oui, je sais comment ça marche mais vous savez comment nous fonctionnons. Faites-le. Voyez si vous pouvez trouver qui est derrière tout ça. »
Il reposa son téléphone et la regarda – elle posait la question de son simple regard.
« C'est une attaque délibérée, » dit-il calmement. Isabelle baissa la tête vers ses mains alors qu'il poursuivait. « Les ordinateurs, le système téléphonique, le portail, les lumières – tout ce qui est connecté au serveur de l'école est mis en péril. »
« Est-ce qu'on peut au moins rétablir la lumière ? » Elle regarda par la fenêtre. Il ferait nuit dans quatre heures. Le bâtiment abritait plus de quatre cents élèves – ils ne pouvaient pas demeurer dans le noir.
« On essaie », dit-il.
Le téléphone d'Isabelle vibra.
« Isabelle, » répondit-elle d'un ton tranchant.
« Expliquez-moi cet email, Isabelle. Que s’est-il passé ? » Le ton de Lucinda était cassant.
Elle était la présidente du Conseil qui dirigeait l'école ; Isabelle ne désirait rien de moins que de raccrocher, mais on ne raccroche pas à la figure du patron. Spécialement celui-ci.
« Quel email ? » Isabelle ne pouvait contenir son impatience et cela se ressentait dans sa voix. « Je suis très occupée en ce moment... »
« Je vais vous le lire, » dit Lucinda. « Avec effet immédiat, je vous adresse par la présente ma démission du poste de directrice de l'Académie de Cimmeria et de tout autre de mes fonctions... »
Isabelle agrippa le dossier d'une chaise en face d'elle. « Je n'ai... »
Quelque chose dans le ton de sa voix alerta Raj ; il la regarda d'un air perçant.
« Cela a été envoyé à tous les membres du Conseil depuis votre adresse email, » dit Lucinda. « Je vous prie de m'expliquer ce que cela signifie. »
« Je n'ai pas envoyé cet email, Lucinda. » Isabelle se sentit mal. « L'école subit une attaque en ce moment même. C'est Nathaniel. »
Le silence qui suivit était lourd de sens. Quand Lucinda reprit la parole, son ton était ferme. « Comment ? »
« Quel email, Izzy ? » Raj se pencha vers elle pour croiser son regard.
Le regardant, Isabelle réalisa que seuls lui et Dom pouvaient les sortir de cette pagaille. Soudain, elle su ce qu'elle avait à faire.
« Lucinda, répondez à tout ceux qui ont reçu cet email. Dites-leur qu'ils ont été hackés. Dites-leur que nous recherchons la source du problème en ce moment même. Je vous rappelle très bientôt. Nous pourrions avoir besoin de votre aide. »
Mettant fin à l'appel, elle se retourna vers Raj. « Nathaniel a envoyé ma lettre de démission de tous les postes que j'occupe au Conseil et à l'école. »
Une étincelle de rage apparu dans ses yeux sombres.
« Il a donc hacké notre email, » dit-il. « Et notre serveur – c'était donc la raison du ralentissement. Tout filtre par un nombre de serveurs autour du monde qui protège la localisation de l'utilisateur. Nous tentons de le localiser en ce moment mais... »
« …cela va prendre du temps, » dit Dom, achevant sa pensée.
Dans la poche d'Isabelle, le téléphone vibra à nouveau.
Tout comme une guêpe, pensa-t-elle, prise au piège dans un bocal.
« Les lumières, Raj, » dit-elle, en le sortant. « Remettez les lumières. »
Elle prit l'appel sans regarder l'écran de son téléphone. « Je vous rappellerai plus tard, Lucinda... ».
« Bonjour, Isabelle. Ça faisait longtemps. »
La voix de Nathaniel, qui fut autrefois si familière, la stoppa net. Sans même réfléchir, elle se précipita vers Raj – comme s'il pouvait affronter Nathaniel à sa place à ce moment précis, au téléphone.
« Nathaniel, pourquoi fais-tu ça ? »
Elle entendit le souffle court de Dom.
Raj bondit sur ses pieds, tapant frénétiquement des numéros sur son téléphone, attendant impatiemment que quelqu'un réponde. « Il est au téléphone avec Isabelle à ce moment précis. » dit-il dans le combiné à voix basse. « Trouvez où il se trouve. Attrapez-le. »
« Tu sais pourquoi. » Nathaniel, tout comme Isabelle, disposait d'un très léger soupçon d'accent écossais. Ils avaient tous les deux vécu en Angleterre très longtemps. Parfois, Isabelle pensait que leur passé aurait pu appartenir à quelqu'un d'autre.
« Tu me l'a volé. » Sa voix était froide et distante. Comme s'il était très très éloigné d'elle, à tous points de vue.
Isabelle pressa le bout de ses doigts contre son front. « Je sais pourquoi tu penses que tu dois faire ça, mais Nathaniel, nous pouvons en discuter, de cette injustice. Mais il est question d'enfants ici. S'il te plaît. Arrête...ça. »
« J'arrêterai. Dès que tu auras fait ce que j'ai demandé. » Sa voix lui donna la chair de poule. « Rends-moi mon héritage. Donne-moi Cimmeria et le Conseil. Donne-moi la société de notre père. Rends-moi ce que tu as volé. »
« Je ne l'ai pas volé. » Isabelle sentit sa voix s'échauffer et pris une pause, essayant de se calmer. « Elle m'a été léguée. Tu as vu le testament, Nathaniel. Je ne vole rien. Père m'a choisie. Pas toi. Et je ne sais pas pourquoi... »
Il ne la laissa pas finir. « Et tu as choisi de tout garder même si tu savais que cela n'était pas juste. Ça me revenait par tradition. Par hérédité. De par la loi de la famille. Père est mort, je ne peux donc pas le forcer à me le donner. Mais toi, petite sœur... tu es toujours là. Je viens donc vers toi. Fais ce qui est juste et je cesserai tout cela. Refuse... Et je ferai en sorte que toi et Lucinda Meldrum souffrent de façons dont vous n'avez même pas idée. »
Pendant un moment, Isabelle ne pouvait pas croire ce qu'elle était en train d'entendre. Elle avait toujours su qu'il était vindicatif mais elle ne l'avait jamais cru capable de ça.
Elle peina à garder son calme.
« Tout ceci est absurde, Nathaniel. Tu dois laisser tomber cette obsession étrange selon laquelle la famille t'aurait volé. Tu as été très bien traité. »
Il ignora ses mots comme si elle n'avait rien dit.
« Cela peut devenir pire. » La voix de Nathaniel était basse et menaçante. « Vraiment, vraiment pire. Des gens peuvent être blessés. Tu peux mettre fin à cela maintenant Isabelle. »
« Tous les ordinateurs, » disait Raj dans son téléphone alors que Dom tapait toujours plus vite. « Chaque serveur et tout ce qui leur est connecté. Tout ce qui peut être hacké. Mettez tout en morceaux. »
« Nathaniel, ne sois pas ridicule. Nous pouvons trouver une solution à tout cela... » débuta Isabelle, mais Nathaniel lui coupa la parole.
« Je ne fais que commencer, » dit-il.
Il raccrocha.
Pendant un long moment, Isabelle resta debout, tenant le combiné demeurant silencieux près de son oreille. Ce ne fut que lorsqu'elle abaissa le bras qu'elle s'aperçut qu'elle tremblait.
Depuis l'embrasure de la porte, elle pouvait entendre le son de conversations surexcitées qui émanaient des salles de classe, les enseignants tentant de rétablir l'ordre. Tout ce que vous pourriez imaginer entendre lors d'une panne de courant. Mais les battements de son cœur résonnaient encore dans ses oreilles.
Elle se retourna vers Raj mais, avant de pouvoir dire quoi que ce soit, un clic et un buzz signalèrent le retour de l'électricité. La pièce s'emplit de lumière.
Le long du couloir, les élèves se réjouirent.
Mais les ordinateurs ne se rallumèrent pas – Raj les avait tous débranchés.
Dans le silence étrange de la salle informatique, Isabelle se tourna vers Raj, se forçant à rester calme.
« Commenta-t-il fait ? »
« Quiconque travaillant pour lui, il est très doué, » dit Raj avec une admiration résignée. « De ce que l'on peut en dire jusqu'à présent, ils se sont infiltrés dans chaque machine que nous possédons. Ils ont apparemment commencé par le système central, ce qui leur a donné accès aux ordinateurs en réseau, par lesquels ils ont eu accès au système de vidéo surveillance, au portail électronique, aux téléphones. » Sa voix était calme mais elle pouvait sentir la rage dans son regard. « Tout. »
« Comment ont-ils eu accès à l'unité centrale ? » demanda Isabelle.
Raj hésita. « Cela a du être fait en personne. »
La colère échauffa le visage d'Isabelle. « Il était ici ? Dans mon école ? »
« Quelqu'un était là, » dit Raj. « Quelqu'un qui travaillait pour lui. »
L'univers d'Isabelle s'écroulait autour d'elle. Elle avait travaillé si dur pour prendre le contrôle de cette école. C'était devenu une partie d'elle-même. Elle se sentait maintenant envahie.
Salie.
« Comment cela est-il possible, Raj ? Nous avons vérifié tout le monde. »
« Aucun système n'est parfait, Isabelle. Et vous savez que Nathaniel est très doué. Il est l'un d'entre nous. Il sait comment nous travaillons. »
Quelqu'un frappa à la porte. Elle s'ouvrit, révélant le visage préoccupé de Jerry Cole. « Que se passe-t-il ? Est-ce que tout va bien ? »
Raj et Isabelle échangèrent un regard. Cole était nouveau mais ils l'appréciaient tous les deux. Il était brillant et talentueux. Raj inclina sa tête.
Isabelle s'éclaircit la voix et essaya de prendre un air assuré. « C'est Nathaniel. Les ordinateurs sont corrompus. Nous travaillons dessus. » La bouche de Jerry forma un « O » de surprise mais avant même qu'il puisse s'exprimer, Isabelle se retourna vers Raj. « Peut-on les sécuriser ? »
Il hocha la tête. « Tout ce qui est électronique et utilisé depuis l'extérieur peut être vérifié de l'intérieur. Tout peut être piraté. »
Il n'y avait aucune réelle décision à prendre. Ils ne pouvaient pas permettre à Nathaniel de réitérer sa manœuvre.
« Ils doivent tous être débarrassés, » dit-elle.
Raj acquiesça mais Jerry et Dom les fixèrent tous les deux comme s'ils étaient devenus fous. C'était la première fois que Dom avait cessé de taper depuis que la crise avait commencé.
« Plus d'ordinateurs du tout ? » dit Jerry, totalement incrédule. « Dans une école ? Allez, Isabelle, ce n'est pas réalisable. Les parents ne le toléreront pas. Vous ne pouvez pas... »
« Ma décision est irrévocable, Jerry. » Isabelle soutint son regard. « Nous n'avons pas le choix. Raj trouvera un moyen d'établir un système sécurisé mais si cela n'est pas réalisable, alors... » Elle haussa les épaules, comme si le fait que l'école ne soit pas équipée d'ordinateurs n'ait pas d'importance. « Nous n'avons pas d'autre choix. »
Dom paru vouloir s'exprimer, mais Raj apposa une main sur son épaule en guise d'avertissement.
« Les parents ne vont pas... » débuta Jerry.
Isabelle leva la main. Sa tête commençait à osciller. Elle ne pouvait pas faire cela maintenant.
« Allez retrouver vos élèves maintenant, Jerry. Nous en discuterons plus tard. »
Le professeur de sciences s’en alla avec une réticence visible, refermant la porte derrière lui. Une fois qu’il les eut quittés, Raj se tourna vers Isabelle. « Il a raison, vous savez.  Les parents vont voir cela comme un échec. »
Isabelle redressa le dos. « Alors Lucinda et moi devrons les convaincre que c'est un avantage. Leurs enfants apprendront à étudier au lieu de passer leur temps à jouer en ligne. Aucune distraction. Du travail à la dure comme autrefois. De toute façon, vendre cela est notre travail. Votre travail est de trouver qu'est ce que prépare Nathaniel et de l'arrêter. »
Le silence se fit, lourd de sens. Raj le brisa.
Son expression sous-entendait un avertissement. « Isabelle, il n'abandonnera jamais. Il est obsédé. »
C'était un fait terrifiant – son propre demi-frère la haïssait tellement qu'il ne désirait ni plus ni moins que de la détruire.
Ils avaient été proches il y a longtemps. Mais cela, tout comme leur enfance, était bien loin derrière eux. Elle devait à présent commencer à le traiter comme l'étranger qu'il était devenu.
Isabelle franchit la porte. Elle ne répondit que lorsqu'elle l'ouvrit, d’une voix froide comme la glace.
« Moi non plus. »

C.J. Daugherty

[Lire le chapitre en VO ici
Traduction : Night School France]

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